Film recommandé

De cendres et de braises

Manon Ott

Distribution : Docks 66

Date de sortie : 25/09/2019

France - 2018 - 1h13

Portrait poétique et politique d’une banlieue ouvrière en mutation, De Cendres et de Braises nous invite à écouter les paroles des habitants des cités des Mureaux, près de l’usine Renault-Flins. Qu’elles soient douces, révoltées ou chantées, au pied des tours de la cité, à l’entrée de l’usine ou à côté d’un feu, celles-ci nous font traverser la nuit jusqu’à ce qu’un nouveau jour se lève sur d’autres lendemains possibles.

Auteur, Réalisateur : Manon Ott – en collaboration avec Grégory Cohen • Productrice déléguée : Céline Loiseau • Producteurs : TS Productions et Flamme en coproduction avec CNRS Images • avec la participation du CNC – contribution financière, Fonds Images de la diversité • avec le soutien de la Région Île de France, la Procirep et de l’Angoa, de Brouillon d’un rêve, de la SCAM, de la SACEM, du Moulin d’Andé – Céci, de Périphérie (film accueilli en résidence), de l’Université d’Evry et de la fondation Palladio • Image et son : Manon Ott et Grégory Cohen • Montage : Pascale Hannoyer • Montage son et mixage : Jocelyn Robert • Musique originale : Akosh S. • Etalonnage : Gadiel Bendelac

ENTRETIEN AVEC LA REALISATRICE
MANON OTT

Manon Ott

Cinéaste ainsi que chercheuse en sciences sociales et en cinéma, née en 1982, Manon Ott vit et travaille à Paris. En parallèle de ses projets artistiques et de recherche, elle enseigne la photographie, le cinéma et les sciences sociales (sociologie/anthropologie visuelle) à l’Université. Auteure de plusieurs films (Yu, Narmada, De cendres et de braises,...) diffusés dans de nombreux festivals en France et à l’étranger, ainsi que de plusieurs livres de textes et de photographies (De cendres et de braises, Voix et histoires d’une banlieue populaire aux éditions Anamosa (2019) ; Birmanie, rêves sous surveillance aux éditions Autrement (2008) co-écrit avec Grégory Cohen), elle est également membre de plusieurs collectifs ou revues de cinéma, dont l’ETNA, un atelier de cinéma expérimental, ou encore la Revue Documentaires. Depuis 2010, elle travaille avec les habitants des quartiers HLM de la ville des Mureaux en région parisienne, où elle a aussi habité. Elle y réalise avec eux De cendres et de braises (2018) et collabore au film La cour des murmures (2017) de Grégory Cohen, entre fiction et documentaire, sur les jeunes et l’amour dans la cité. Sélectionné dans de nombreux festivals et primé au festival Les Écrans Documentaires (Prix du Jury et Prix du Moulin d’Andé) ainsi qu’au festival Filmer le travail (Prix « restitution du travail contemporain »), De cendres et de braises est son premier long métrage. Comme ses précédents films, à la fois politiques et poétiques, il explore un territoire en marge, à la rencontre de ceux qui l’habitent, cherchant dans le cinéma un moyen de faire résonner autrement leurs paroles et leurs histoires. En parallèle de la sortie du film en salles en septembre 2019, le livre De cendres et de braisesVoix et histoires d’une banlieue populaire est à paraître aux éditions Anamosa. Il restitue les rencontres et la recherche de terrain réalisée pendant plusieurs années dans les quartiers des Mureaux pour préparer le film. Son film et son livre sont liés à une recherche, entre sciences sociales et cinéma, recherche et création, intitulée « Filmer/Chercher » (thèse soutenue à l’Université d’Evry Paris Saclay en 2019).

Filmographie

Yu, documentaire, vidéo, (cm)

Narmada, documentaire co-réalisé avec Grégory Cohen (cm)

La cour des murmures de Grégory Cohen (collaboration artistique),

De cendres et de braises, documentaire,Informations complémentaires 

Prix du Jury au Festival Les Ecrans Documentaires 2018
Prix du Moulin d’Andé au Festival Les Ecrans Documentaires 2018
Prix de la restitution du travail contemporain au Festival Filmer le travail 2019

Quelle est la genèse du film ?
C’est une histoire de rencontres qui remonte à près de dix ans.
Depuis longtemps, je partageais avec Grégory Cohen, mon compagnon, également cinéaste et chercheur, le projet de mener un travail de recherche approfondi dans des quartiers populaires de la région parisienne pour y fabriquer des films avec leurs habitants : des films qui replaceraient en leur centre la parole et les histoires de ces derniers.
J’avais aussi l’envie de revisiter l’histoire ouvrière de ces territoires aujourd’hui en pleine mutation, de voir ce qui change, comment on y vit, comment s’y engage la jeunesse actuelle,… Mais pour avoir déjà travaillé dans différents quartiers, nous savions qu’un tel projet nécessiterait du temps.
D’abord parce que saisir l’histoire de ces territoires n’est pas si simple, mais aussi parce qu’y nouer des liens de confiance, d’amitiés aussi, ne se fait pas du jour au lendemain. Sans compter que ce sont des espaces où il peut être compliqué de filmer.
Pour mener ce projet, nous savions que nous avions besoin non pas de quelques mois, mais probablement de plusieurs années. Venant tous deux d’un double parcours de recherche en sciences sociales et de réalisation de films, nous avons saisi la possibilité de réaliser chacun une recherche à l’Université d’Evry pour nous donner ce temps. C’était en 2010.
Nous avons obtenu un financement qui, dans un premier temps, allait nous permettre de consacrer trois années à cette enquête de terrain pour préparer et écrire ces films. À cette même période, nous avons découvert l’histoire des cités HLM de la ville des Mureaux, dans les Yvelines. Ces cités ont été construites dans les années 1960 pour loger les ouvriers de l’usine voisine Renault-Flins. La célèbre usine d’automobiles a compté jusqu’à 23 000 ouvriers dans les années 1970. Aujourd’hui, elle n’en compte plus que 4 000, dont une bonne part d’intérimaires. Mais avant cette désindustrialisation, c’est un territoire, riche de son histoire ouvrière, qui fut aussi traversé par d’importantes luttes sociales.
Pendant mes recherches, j’ai réuni de nombreuses archives et découvert le film Oser lutter, oser vaincre, Flins 68″ de Jean-Pierre Thorn, tourné en 1968 pendant l’occupation de l’usine par les ouvriers. Toute cette histoire ouvrière, singulière et emblématique à la fois, qui croisait aussi l’histoire de l’immigration et celle de l’urbanisation, m’a beaucoup intéressée. En même temps, en nous rendant aux Mureaux, nous découvrons un territoire en pleine mutation et des cités HLM en cours de rénovation urbaine.
Je me demandais alors : comment vit-on aujourd’hui dans ces anciennes banlieues ouvrières ? Comment les nouvelles générations voient-elles cette histoire ? Des luttes sociales du passé à la précarité actuelle, que reste-t-il de ce monde ouvrier ? Qu’est-ce qui se réinvente derrière les décombres des démolitions actuelles des tours et des barres de ces cités, mais aussi dans les cendres du mouvement ouvrier ? De quelles ruptures mais aussi de quelles continuités l’histoire de ces banlieues est-elle tissée ? Pour enquêter sur cette histoire, nous avons commencé à nous rendre régulièrement aux Mureaux. Et, très vite, ce sont des rencontres avec des habitants qui nous ont donné envie d’y rester.

Votre film s’inscrit dans un travail au long cours. Dans ce cadre, vous avez aussi habité aux Mureaux. De la recherche, vous passez à la réalisation du film. Qu’est-ce que ce passage au film a changé dans votre rapport au territoire et à ses habitants ?
De cendres et de braises fait partie d’une expérience plus vaste en effet : une expérience de recherche et de cinéma, mais aussi une expérience de vie. Dans le cadre de ma recherche, j’ai d’abord enquêté près de trois années aux Mureaux sans caméra, en m’y rendant chaque semaine pour rassembler des archives sur l’histoire du territoire et pour recueillir des récits de vie. Nous avons fait des rencontres particulièrement fortes avec d’anciens ouvriers de l’usine, des militants venus s’y établir dans les années 1970, des hommes et des femmes venus d’Afrique ou du Maghreb pour travailler et vivre en France dans les années 1970 et 1980, ou encore des jeunes qui grandissent aujourd’hui dans ces cités et s’y engagent à leur tour à leur façon.
Durant ces années, nous nous sommes aussi beaucoup impliqués dans la vie associative de ces quartiers. Puis à un moment, nous avons ressenti le besoin de nous rapprocher encore, et c’est comme ça que nous avons décidé d’habiter dans le quartier de La Vigne Blanche durant une année. C’est pendant cette année que nous avons tourné l’essentiel du film De cendres et de braises.
Pour décrire ce qui a changé dans ce passage de la recherche au cinéma, je dirais que si la recherche vise à apporter une compréhension complexe et critique du monde qui nous entoure, réaliser un film c’est aussi essayer de regarder et de saisir ce monde dans sa dimension sensible. Et puis avec le film, on est entrés en quelques sortes dans un processus de création partagée avec les habitants de ces quartiers et dans une forme d’écriture à plusieurs voix.
Habiter aux Mureaux puis réaliser le film, ça a changé beaucoup de choses, notamment dans les liens que nous avons noués sur place et dans les moments ou dans les paroles auxquels nous avons eu accès. Le film, c’était donc aussi la possibilité de donner toute leur place à ces paroles, et d’un autre côté, d’essayer de restituer quelque chose de l’univers sensible des gens et des lieux que nous rencontrions.

De cendres et de braises propose un portrait à la fois poétique et politique d’une banlieue ouvrière en mutation. Il parle, à échelle humaine, d’un phénomène pourtant plus vaste : les transformations du monde ouvrier et la précarisation du travail. Les banlieues ne sont pas si souvent regardées sous cet angle. Pourquoi ce choix ?
Les banlieues sont souvent dépeintes comme des mondes à part, si ce n’est comme des lieux sans histoire. Le temps des médias, notamment, est celui du présent permanent. Il me semblait au contraire important de réinscrire ce territoire dans une histoire sociale plus large – l’histoire ouvrière – et de faire sentir ce poids de l’histoire collective. Je voulais montrer combien les jeunes qui grandissent dans ces quartiers sont aussi les héritiers de cette histoire. Aux Mureaux, la plupart des jeunes que j’ai rencontrés sont des enfants d’ouvriers immigrés de chez Renault. Leur regard sur cette histoire m’intéressait. Je souhaitais tisser des liens entre l’hier et l’aujourd’hui, montrer certaines continuités et, en même temps, prendre la mesure de ce qui a changé.
En filigrane, le film aborde cette question des mutations et de la précarisation du travail. Pour repolitiser le regard sur ces espaces, il y a de vrais enjeux à y repenser la question sociale. Mais c’est aussi un film qui raconte les rencontres que j’ai faites sur ce territoire. Ses habitants m’ont parlé de leur travail, mais aussi de leurs loisirs ou encore d’amour. En racontant leurs vies, certains m’ont confié leurs rêves mais également leurs colères ou leurs révoltes. Fragment après fragment,
j’avais envie de restituer ces différentes rencontres et de donner à entendre ces récits.

Le film nous donne à entendre des paroles rares, aussi bien intimes que politiques, que d’ordinaire on entend peu. Sur un territoire et auprès d’une population très souvent stigmatisés, par la télévision notamment, quelle a été votre approche pour créer les relations de confiance vous permettant d’accéder à ces paroles ?
La question du temps passé aux Mureaux a été essentielle : le temps de la rencontre, le temps de se laisser soi-même interroger et déplacer par le terrain, le temps que les personnages s’emparent à leur tour du projet de film…
Les habitants des quartiers populaires sont plus souvent parlés ou racontés par d’autres – par les journalistes, par les chercheurs… – qu’ils ne parlent eux-mêmes. Face à ce constat, il y avait donc de vrais enjeux à re-raconter l’histoire de ce territoire de bas en haut et à entendre leurs paroles. Mais en même temps, la sur-médiatisation et la stigmatisation de ces quartiers entraînent en retour une vraie méfiance de la part des habitants à l’égard des images. Peu de temps avant que Grégory et moi commencions à travailler aux Mureaux, M6 y avait réalisé un reportage « Enquête Exclusive ». Beaucoup d’habitants l’avaient vu et nous en avaient parlé pour exprimer leur réticence à l’endroit des images. En les écoutant, nous comprenions que faire des images dans ces espaces à la fois fragiles et stigmatisés pouvait aussi comporter une certaine forme de violence.
Pendant les années qui ont précédé le tournage du film, nous avons donc réfléchi avec les habitants rencontrés à comment construire d’autres images. Cela s’est fait de différentes façons, par de nombreuses discussions, individuelles ou collectives, mais aussi au travers d’ateliers de photographie et de cinéma que nous avons mis en place dans ces quartiers. Plus tard, pendant le tournage de De cendres et de braises, nous avons également essayé de visionner le plus souvent possible les images avec les habitants pour en débattre au fur et à mesure de la fabrication du film. Tout cela a permis de créer d’autres liens autour des images.

Le film restitue ces rencontres avec des habitants des Mureaux comme autant de tableaux qui racontent ce territoire. Dévoilant à chaque fois un nouvel aspect de ce dernier, vos personnages incarnent également une pluralité de trajectoires de vie. Comment les avez-vous choisis ?
Ce sont d’abord des histoires de rencontres, et puis aussi des vies, des présences ou encore des façons de parler auxquelles j’ai été sensible.
Les différents personnages du film ont en commun de s’engager, chacun à leur manière, dans la société dans laquelle ils vivent. D’une certaine façon, ce sont des combattants, et c’est ce qui m’a touchée dans leurs histoires : qu’il s’agisse de Monsieur Sako et Monsieur Traoré – tous deux anciens ouvriers de Renault filmés en train de faire griller du maïs sur un feu en nous parlant de leurs vies d’usine – ; de Fabienne et Jamaa, tombés amoureux à l’usine de Flins où Fabienne était venue s’établir pour militer après 1968 ; des CROMS, une bande d’amis âgés de la trentaine qui ont créé une association dans le quartier où ils ont grandi ; de Yannick, un jeune rappeur des Mureaux; d’Antoinette qui parle de son combat de femme dans la cité ; ou encore de Momo, un ancien braqueur devenu militant politique qui a participé, dans le passé, à plusieurs mouvements issus des banlieues (le Comité national contre la double peine, le MIB,…).
C’était important à mes yeux de montrer cette diversité d’histoires et de trajectoires de vie afin de rompre avec les représentations homogénéïsantes des habitants des quartiers populaires. J’avais envie de donner à voir et à entendre ces jeunes qui travaillent, s’engagent dans la vie associative de leur quartier et débattent de notre monde commun, mais aussi de tisser des liens entre différentes générations et ainsi de réunir dans un même film et un même geste ces ouvriers qui se sont battus hier à l’usine de Flins pour améliorer leurs conditions de vie et de travail, ces militants comme Momo issus des mouvements des quartiers populaires des années 1990/2000, et ces jeunes qui grandissent aujourd’hui dans ces quartiers, qui sont pour beaucoup chômeurs ou travailleurs précaires, mais qui, à leur tour, essaient de s’y s’engager à leur façon.

Votre film commence un matin. Les cités HLM se réveillent, les ouvriers arrivent à l’usine. Il se déroule d’abord de jour avant de nous plonger dans une longue nuit puis de se terminer par un nouveau jour qui se lève. Pourquoi cette structure en trois temps ?
Très tôt j’ai eu envie que le film se passe en grande partie de nuit. Certainement parce qu’en habitant aux Mureaux, je rencontrais souvent mes personnages en soirée, et qu’avec eux, la nuit s’était révélée être un moment propice aux confidences. Et puis j’avais envie de travailler le mystère et l’ambivalence de la nuit. Elle m’apparaissait à la fois comme un moment d’errance et comme un moment du possible qui pouvait laisser place à l’imagination ou aux rêves des personnages. Après, c’est au montage que nous avons construit ce mouvement qui va du jour à la nuit.
De jour, on découvre ce territoire et ses mutations en lien avec celles du travail. On voit se préparer et s’organiser les grèves qui ont secoué l’usine de Flins ces dernières années, jusqu’à la disparition progressive des silhouettes des ouvriers derrière les fumées et les cendres des palettes qui brûlent devant l’usine : autant d’images ou de motifs qui évoquent la transformation de ce monde ouvrier.
De nuit, pour l’essentiel du film, on plonge alors en immersion dans les cités des Mureaux, en y suivant les parcours croisés de quelques personnages. Le film se rapproche ainsi de vies singulières, mais aussi de subjectivités aussi bien intimes que politiques. Antoinette, Yannick et Momo, en évoquant leurs expériences de vie mouvementées, expriment aussi leurs regards sur la société, leurs rêves ou encore leurs révoltes.
Du jour à la nuit, en allant vers la poésie des gens et des lieux, c’est aussi la forme du film qui se transforme. Il propose une sorte de traversée de ce territoire qui, le temps de la nuit, devient aussi un espace d’expression et d’imagination. Yannick, depuis le toit d’une tour de la cité, rêve de « casser les barrières invisibles » qui entourent le quartier. Sur ces paroles, un autre jour peut se
lever.

Le noir et blanc est un choix esthétique fort mais pas anodin. Quelle en est l’origine ?
En photographie comme en cinéma, je travaille depuis longtemps le noir et blanc. La bichromie invite plus facilement à l’imagination. Peut-être parce qu’il y a moins d’informations que dans la couleur. Ça amène quelque chose d’atemporel, d’onirique même parfois. L’univers mystérieux de la nuit dans lequel se déploie toute une partie du film s’en trouve aussi renforcé. Mais pour ce film en particulier, ce qui m’intéressait d’abord c’est que le noir et blanc participe d’une distanciation qui l’éloigne d’emblée d’autres images, et notamment des images d’actualité sur les cités.
Cela me semblait important, pour ce film qui cherche à déplacer le regard et à rompre avec les représentations habituelles de ces quartiers et de ceux qui les habitent, d’opter pour des parti-pris formels et artistiques forts, et d’assumer la subjectivité du regard porté.

À ce titre, le free-jazz de la bande originale du film, signée par Akosh S., propose également ,un contrepoint esthétique aux ambiances de la cité, renouant avec sa tradition de musique contestataire, à la fois libérée et libératrice, que son institutionnalisation avait parfois contribué à estomper. Pourquoi ce choix pour la musique du film ?
Le film comporte des musiques « in », créées ou écoutées dans le quartier, comme le rap de Yannick. Toutefois à côté de ces musiques, il me semblait important de travailler un univers musical plus étrange. J’avais l’impression que c’était aussi par la musique que le film pouvait trouver la poésie capable d’ouvrir ces espaces à d’autres imaginaires pour aider à déplacer notre regard.
Lorsque j’ai re-découvert le travail du saxophoniste Akosh Szelevenyi, sa musique s’est imposée naturellement. Si le free-jazz d’Akosh correspond à l’univers combatif du film, les sonorités étranges d’instruments comme le gong, les clochettes, le bol tibétain ou encore la flûte transylvaine qu’il explore ouvrent aussi vers une dimension plus onirique et mystérieuse. L’enjeu du travail sur la musique, puis du montage-son et du mixage, était de continuer à travailler cette tension entre   exigence documentaire et poétisation du réel qui habite le film. Là où un « partage du sensible »
pourrait aussi permettre d’autres formes de politique.