Anna, un jour de Zsofia Szilagyi
Film soutenu

Anna, un jour

Zsófia Szilágyi

Distribution : Damned Films

Date de sortie : 19/06/2019

Hongrie – 2018 – 1h38

Anna a la quarantaine, trois enfants, un mari, un emploi et quelques soucis financiers. Elle passe son temps à courir, entre le travail, la maison et les enfants. Elle aime son mari, mais elle sent qu’elle est en train de le perdre. Submergée par le rythme frénétique de ses journées, elle se retrouve dans cette période fragile, où l’on ne sait comment changer, où l’on réalise qu’il y a des choses que l’on ne pourra pas recommencer. Anna arrivera-t-elle à sauver ce qui est précieux et unique dans sa vie ?

Prix Fipresci Semaine de la critique Cannes 2018

Avec : Zsófia SZAMOSI Anna • Leo FÜREDI Szabolcs • Ambrus BARCZA Simon • Zorka VARGA-BLASKÓ Sári • Márk GÁRDOS Márkó • Annamária LÁNG Gabi • Éva VÁNDOR Mari • Károly HAJDUK Csaba

Réalisation Zsófia SZILÁGYI • Scénario Zsófia SZILÁGYI, Réka MÁN-VÁRHEGYI • Image Balázs DOMOKOS • Montage Máté SZÓRÁD • Supervision montage son Tamás SZÉKELY • Production manager Sári PÉLI • Costumes Mari BENEDEK • Musique Máté BALOGH • Maquillage Júlia NAGY • Mixage Ervin STARK • Production Edina KENESEI, Ági PATAKI • Coproduction Judit ROMWALTER, Gábor KOVÁCS, Judit VARGA • Produit par Partnersfilm Ltd• En coproduction avec Sparks, Filmpartners, Prop-Club et Hungarian Film Labor • Avec le soutien du Hungarian National Film Fund

Zsófia Szilágyi

Après des études de réalisation à l’Academy of Film and Drama de Budapest, Zsófia Szilágyi travaille auprès d’Ildikó Enyedi en tant qu’assistante universitaire. Puis, cette collaboration se poursuit sur CORPS ET ÂME (Ours d’or 2017) où elle est assistante mise en scène. Elle réalise en parallèle plusieurs courts-métrages et documentaires. ANNA, UN JOUR est son premier long métrage

INTENTIONS

Quand ses enfants étaient petits, une de mes amies m’a décrit sa journée-type. Elle la décomposait en segments de dix minutes. C’était intéressant de voir un horaire aussi détaillé, et le temps que cela prenait d’être mère. Cela m’a également surpris de voir à quel point c’était difficile, mais ce qui m’avait le plus étonnée, c’est que je n’avais jamais eu la moindre idée de la difficulté que cela représentait. C’était comme si les charges quotidiennes supportées par une mère était un secret et/ou un tabou. J’ai voulu comprendre ce qui rendait sa description de journée-type si compliquée.

J’ai souvent vu des mères stressées de vouloir tout faire à la perfection, ou même simplement parfois d’essayer de finir ce qu’elles avaient commencé. En plus de tout ce qu’elles pouvaient faire, elles semblaient aussi culpabiliser en permanence. Comme si c’était une course contre la montre. Elles ne peuvent pas satisfaire aux besoins de chacun, et il y a donc quelqu’un qui reçoit moins que les autres. La plupart du temps, ce quelqu’un, c’est la mère. À défaut de meilleure solution, elles mettent de côté leurs propres besoins pendant des années, voire des décennies. La maternité semble nous montrer à quel point nos options sont limitées.

Anna, la protagoniste du film, s’occupe de tout : elle répond aux demandes des autres, elle essaie d’équilibrer et de hiérarchiser les différentes attentes. Elle se retrouve face à des situations très différentes : parfois drôles, parfois stressantes, mais aussi surprenantes ou même belles. Anna continue sa journée, alors que toutes ces petites affaires l’occupent. Elle y réagit, car on lui demande de réagir, et il ne lui reste que de rares instants volés pour digérer, pour regarder par la fenêtre ou pour rester calme à un moment où personne ne la voit. Cela fait des années qu’elle a l’impression de ne plus avoir de temps pour elle.

Petit à petit, le film déroule la journée d’Anna, de son point de vue. Cette perspective et la gestion du temps constituent le cœur du film. Nous n’évitons pas certaines actions répétitives et nous gardons toujours le même regard, le sien. J’ai voulu qu’on traverse cette journée avec elle, y compris dans des moments qui peuvent sembler vains ou répétitifs.

Il y a quelque chose à la fois de très ordinaire et d’incroyablement cruel dans ce quotidien – et pas seulement dans celui des mères ou des femmes. On ne peut rien faire pour soi, ni même savoir ce que l’on voudrait faire pour soi, quand le temps maximum où l’on peut rester assis tranquillement sans penser à la prochaine tâche à accomplir ne dépasse pas dix minutes par jour. La somme de tout cela nous retient de nous libérer des contraintes de nos devoirs et de nos bonnes manières.

Le grand défi du film était de constituer cette famille. Je voulais une vraie famille, qu’importe le sens qu’on lui donne. Je me souviens du moment où, à la fin d’une très longue période de casting, nous avions enfin trouvé les membres notre famille. Je pensais qu’il n’y avait plus qu’à tourner le film. Nous étions prêts.

Pendant le tournage, nous avons partagé des contraintes similaires à celles de notre protagoniste : chaque minute et chaque centime comptaient. Nous ne pouvions nous permettre aucun retard, les enfants ne pouvaient tomber malade, nous ne pouvions pas imaginer qu’il se mette à pleuvoir…


RENCONTRE AVEC LA RÉALISATRICE

Quelle a été l’origine du film ?

La journée-type d’une mère de famille est bien souvent fragmentée en blocs de dix minutes. Pour moi, il est apparu très clairement que c’était un film. Un film qui parle du temps et d’un état où une personne n’a plus la possibilité de se concentrer sur une seule chose. Car chaque activité ne peut désormais plus durer que quinze minutes maximum. Le film veut montrer deux aspects très différents de la maternité : les moments parfois difficiles, mais aussi ceux qui sont beaux. Et cela avec une grande proximité dans sa perspective.
 

Quelle est l’importance du temps dans le film ?

Je voulais montrer des moments qui sont généralement ignorés dans les films. Par exemple, lorsqu’un scénario indique « Et ensuite, ils sont sortis de la maison », qu’est-ce que cela signifie réellement quand on a trois enfants ? Mon intention était d’entrer dans les détails de ces instants qui sont laissés de côté et remplacés par des actions plus « intéressantes ». Dans la vie réelle aussi, nous souhaiterions pouvoir régler ces problèmes rapidement, mais ce n’est en général pas si simple…

Le temps est important pour ce couple car ils n’en ont pas assez. Plus précisément, le temps dont ils disposent est souvent un temps marqué par la monotonie. Les actions se répètent et dictent toujours la prochaine action, la prochaine ligne de la liste. Mais ils ont aussi de rares moments, qui eux au contraire ne peuvent se répéter à nouveau, et qui semblent même trop s’étendre.

Faut-il considérer le film comme un thriller matrimonial ?

On pourrait, oui, même si ce n’était pas une décision entièrement consciente. J’avais besoin d’une histoire comme toile de fond aux actions quotidiennes qui sont au premier plan du film, et que je voulais illustrer. Mais à l’origine, je ne pensais pas que la peur de l’infidélité de son partenaire – préoccupation qui peut être normale, presque banale – pourrait avoir le même effet qu’un thriller.

Anna est un personnage paradoxal, elle est forte mais très vulnérable, surtout lorsque son monde s’effondre. Je voulais qu’elle ait un côté héroïque, et je ne voulais pas qu’elle soit simplement forte, cela n’aurait pas été suffisant. Si elle n’avait rien à perdre, si elle n’avait pas une grande part de fragilité, sa place dans le film aurait été difficile à justifier. Elle ne sauve la vie ni le monde de personne. Elle fait juste ce qu’elle pense devoir faire. Elle ne quitte pas la scène. Mais simplement le déroulement une journée exige un effort héroïque de sa part.