La Chambre interdite de Guy Maddin
Film soutenu

La chambre interdite

Guy Maddin

Distribution : Ed distribution

Date de sortie : 16/12/2015

Canada – 2015 – 1h59 – 1.78 – son 5.1

Dans le Plunger, sous-marin, l’oxygène se fait rare. Le compte à rebours vers une mort certaine est enclenché. L’équipage cherche en vain le capitaine, le seul capable de les sauver. Soudain, de manière improbable, un bûcheron perdu arrive parmi eux et leur raconte comment il a échappé à un redoutable clan d’hommes des cavernes. Sa bien-aimée à été enlevée par ces hommes féroces, et il est prêt à tout pour la sortir de là.
Embarquez dans le Plunger et faites le tour du monde des paysages oniriques, dans un tourbillon d’aventures peuplées de femmes fatales, de fous à lier et d’amoureux transis.

Site internet du projet SEANCES : www.lachambreinterdite.fr

SÉLECTION FORUM – Festival international du film de Berlin 2015
Festival international de LOCARNO 2015

Avec : Mathieu Amalric, Roy Dupuis, Clara Furey, Amira Casar, Géraldine Chaplin, Jacques Nolot, Slimane Dazi, Ariane Labed, Maria de Medeiros, Charlotte Rampling, Udo Kier, Louis Negin, Jean-François Stévenin, André Wilms

Réalisation GUY MADDIN, EVAN JOHNSON • Producteurs PHOEBE GREENBERG, PENNY MANCUSO, PHYLLIS LAING, DAVID CHRISTENSEN • Productrices déléguées JEAN DU TOIT, EMMANUELLE HÉROUX, LIZ JARVIS • Montage JOHN GURDEBEKE • Direction artistique GALEN JOHNSON • Concepteurs artistiques BRIGITTE HENRY, CHRIS LAVIS, MACIEK SZCZERBOWSKI • Costumes ELODIE MARD, YSO SOUTH, JULIE CHARLAND • Son SIMON PLOUFFE, DAVID ROSE, JOHN GURDEBEKE, VINCENT RIENDEAU, GAVIN FERNANDES, CAS

Guy Maddin

Né en 1957 à Winnipeg, dans le Manitoba, Guy Maddin a remis au goût du jour le surréalisme gothique, explorant dans ses films la déviance sexuelle, la répression, la perte et la folie.
Guy Maddin est diplômé en sciences économiques. Il a fait depuis 1985 dix-neuf ans neuf longs métrages et de nombreux courts, véritables triomphes de l’imagination sur les contraintes budgétaires. Ses films se déroulent la plupart du temps dans des décors semi-mythiques, dans un proche passé qui n’a jamais existé.
Tom Waits, David Cronenberg ou Martin Scorcese (qui a récemment acheté une copie de son premier long-métrage) font partie de ses admirateurs.
En 2012 Guy Maddin a réalisé des courts-métrages en public pour son projet Séances, dont font partie un site internet interactif et le long métrage CHAMBRE INTERDITE.

Filmographie

1985 The Dead Father (cm) 1988 Tales from the Gimli Hospital 1989 Mauve Decade (cm) – BBB (doc) 1990 Archangel – Tyro (cm) 1991 Indigo High-Hatters (cm perdu) 1992 Careful 1993 The Pomps of Satan (cm) 1994 Sea Beggars (cm) 1995 L’Oeil comme un étrange ballon se dirige vers l’infini (cm) – Sissy-Boy Slap-Party (cm) – The Hands of Ida (Tv) 1996 Imperial Orgies (cm) 1997 Twilight of the Ice Nymphs 1998 The Hoyden (cm) 1999 Hospital Fragment (cm) – Maldoror : Tigers (cm) – The Cock Crew (cm) 2000 Gas III (cm) – The Heart of the World (cm) 2001 Dracula, pages tirées du journal d’une vierge (Tv) – It’s a Wonderful Life (cm) – L’Homme qui rit (cm) 2003 Cowards Bend the Knee (installation) – The Saddest Music in the world 2006 My Dad is 100 years old (cm) – Des Trous dans la tête ! 2007  Winnipeg mon amour 2009 Night Mayor 2011 « Ulysse, souviens-toi ! » 2013 Spiritismes 2015 La Chambre interdite (The Forbidden Room)

Origine du Projet par Guy Maddin

La plupart des réalisateurs ayant participé aux cinquante premières années de l’histoire du cinéma – Hitchcock, Lang, Murnau, Ford, Weber, Borzage, Guy-Blaché, et bien d’autres – ont au moins une fois perdu un de leurs films, l’abandonnant aux caprices du destin. Le plus souvent, la société de production qui a financé les images détruit simplement les bandes après un certain temps, afin de vider les étagères pour y accueillir de nouveaux films ; très souvent d’ailleurs l’équipe brûlait le stock de nitrate dans un spectaculaire feu de joie lors de pique-niques champêtres. Autrement, soumis à des conditions de stockage inappropriées – haute température, humidité trop élevée – qui favorisent la réaction chimique transformant le celluloïd en vinaigre, les films se sont auto-détruits.
Ceci étant, une grande partie est simplement perdue de vue, rangée au mauvais endroit par un projectionniste, égarée au cours d’un envoi, ou même abandonnée par une des victimes dépressives et alcooliques de l’industrie du cinéma. On estime que 80 % des films réalisés dans l’ombre se perdent à jamais. Quelles qu’en soient les raisons, ils disparaissent pour de bon. J’aime imaginer ces pellicules perdues comme des films qui n’auraient pas trouvé leur dernière demeure.
Eclairés ainsi, les disparus apparaissent comme des fantômes. Il est facile de rapprocher ces travaux perdus, dont les seules traces restantes sont quelques photos de tournage ou autres critiques dans Variety, à des esprits errants qui resteraient nous hanter. Le paysage de l’histoire du cinéma est habité par leur présence, tourmenté par la promesse de leur retour, jusqu’à ce que la douce lumière qui en émane soit restaurée comme par miracle. Ces films sont comme des corps, disparus sans laisser de cadavre, privant leur famille de toute possibilité de deuil. Aussi longtemps que l’incertitude de leur mort planera, leur possible retour à la surface continuera de nous hanter. Ces films perdus sont les « revenants » que j’espère invoquer au cours des Séances 


Entretien avec Guy Maddin

Souhaitiez-vous inclure un long métrage dans le projet SEANCES dès le début ?
Oui, c’était prévu depuis le début ! Sans cela, nous n’aurions jamais pu assembler toute la matière que nous avions. Pour les scénarios, nous avons tiré notre inspiration de cette incroyable source d’histoires, presque de la taille du noyau de la Terre, qui était là, oubliée, sous nos pieds, telle un gisement frémissant de pétrole – des milliards et des milliards de barils – prête à exploser et déverser toutes ces histoires jamais imaginées, et pourtant oubliées. Nous voulions puiser dans ce prodigieux réservoir que sont les milliers de films réalisés dans le premier siècle d’existence
du cinéma, et qui avaient d’une manière ou d’une autre disparu. Il y a tant d’histoires merveilleuses et profondément originales qui ont jadis été filmées, puis perdues, dans presque chaque pays du monde, des contes de divers groupes religieux ou idéologiques, de diverses cultures, de réalisateurs de tous âges, genres et classes sociales.  Et certaines d’entre elles sont incroyablement excentriques. C’était profondément exaltant de découvrir cette matière artistique extraordinaire, qu’il ne restait plus qu’à cueillir ! Evan et moi étions si impatients de faire connaître ce précieux filon au monde entier que nous avons décidé de la partager en une seule et unique expérience explosive.
Nous savions depuis le début qu’Internet était la plateforme idéale pour faire découvrir tout ça, le meilleur moyen d’atteindre le monde entier. Mais, nous sommes avant tout cinéastes, et voulions bousculer les repères cinématographiques dans les festivals, ainsi que dans le domaine du streaming. C’est ainsi qu’est né le long métrage La Chambre interdite. Je sens que c’est de loin mon meilleur film, et certainement le plus divertissant. Mais c’est aussi celui qui cristallise le mieux ce qui nous enivre tant, Evan et moi, dans le cinéma. Pas seulement son potentiel narratif, mais la sensation même des émulsions qui apportent tant de bonheur au public depuis 120 ans. Il nous semblait que le moment était idéal, à l’heure où le cinéma et Internet fusionnent plus que jamais, pour présenter au monde ce festival de fantômes du cinéma. Nous avons l’impression de représenter le rêve frénétique du cinéma, les fragments passionnés de la grande littérature et des romans de gare, les hurlements irrépressibles des émotions les plus primaires, tout cela dans un millier de couleurs sursaturées, et les lamentations et grognements des fantômes qui nous hantent.

Comment s’est inclus le film dans la globalité du projet SEANCES (courts métrages tournés en public et retransmis en live sur Internet, le site…) ?
La Chambre interdite
 et les Séances interactives fonctionnent ensemble. Ils n’ont pas été conçus pour se mettre en avant l’un l’autre, mais c’est pourtant le cas. Le site Web n’est pas un simple site de film comme les autres ; il a été pensé comme une œuvre d’art pouvant être appréciée par quelqu’un qui n’aurait pas vu le film. Et vice versa. Aussi bien l’un que l’autre ont été créés à partir d’une matière narrative tirée de scénarios depuis longtemps oubliés. Et cela représente une quantité incroyable de trésors inestimables, des réserves extraordinaires de génie datant de l’apogée du modernisme et de l’expressionisme, dans les premiers jours grisants de l’expérimentation filmique, et les derniers jours de gloire du romantisme. Pour les deux projets, nous avons tiré tous nos scripts des veines sombres et riches des œuvres perdues. Dans le cas du site Internet interactif, de nouvelles histoires seront créées à partir de la matière perdue, pour une séance seulement, et le programme détruira ensuite le tout nouveau film et le renverra dans le néant des films perdus, pour toujours ! Oui, Séances est un site Web imaginé à la fois pour créer et perdre des films !

Comment s’est passé l’écriture du scénario, l’assemblage des différentes histoires ?
Mis à part le grand poète américain John Ashbery, qui a écrit pour nous une adaptation du film d’exploitation perdu HOW TO TAKE A BATH, que nous avons utilisé comme cadre de LA CHAMBRE INTERDITE, les scénarios ont tous été écrits, afin qu’ils puissent fonctionner ensemble au fil des transformations presque infinies qu’ils demandent, par moi, mon coréalisateur Evan Johnson et mon coscénariste Robert Kotyk. Nous nous sommes simplement assurés que chaque film présentait un certain nombre de points où il pouvait être interrompu à un moment intrigant ou à fort suspense – assez simple – afin que les histoires puissent être recomposées de manière inventive au hasard sur Internet, et à dessein dans le film. Etant, en tant qu’auteurs, des médiums de la réinterprétation de chaque film perdu, les histoires ont inévitablement été filtrées par nos sensibilités – tout comme les esprits de l’au-delà parlent par la voix du médium qui les a contactés. Nous, en tant qu’auteurs, et moi, en tant que réalisateur, étions les médiums, et les films ont inévitablement été matérialisés par notre voix, contextualisés par nos préoccupations et nos obsessions qui, étant donné que nous sommes tous amis, étaient très proches. Par conséquent, quelle que soit l’origine de ces différents films, ceux-ci semblaient tous appartenir au même petit monde psychique douillet, notre monde, qui reflète, parfois trop clairement, notre attitude envers l’amour, la luxure et la lâcheté.

Comment avez vous choisi les acteurs français ?
Nous avions prévu d’aller à Paris et de faire le casting du film à partir de contacts Facebook établis au fil des années, ce qui aurait été drôle. Mais notre producteur F.P. Clavel, basé à Paris, m’a présenté Alexandre Nazarian, un directeur de casting de sa connaissance, qui a littéralement changé le cours de ma carrière. Alexandre s’est lancé dans notre projet avec un engagement et un dévouement sans bornes. Il a aimé notre idée, et très vite, je l’ai aimé lui. Sa compréhension de nos scénarios était encore meilleure que la nôtre. C’était fou ! Qui plus est, il connaissait de nombreuses stars du cinéma français, et il savait lesquelles seraient prêtes à me suivre dans une telle aventure : jouer pour moi, une histoire différente chaque jour, et jouer en public, sous le nez de la foule de Beaubourg ! C’était une expérience de jeu hors du commun. Ajoutez à cela le fait que je mettais les acteurs en transe au début de chaque journée de travail, afin de les préparer à recevoir les sombres esprits des films perdus planant au-dessus du musée. Ces superstars – Mathieu Amalric, Charlotte Rampling, Udo Kier, Géraldine Chaplin, Adèle Haenel, Ariane Labed, André Wilms, Maria de Medeiros, Jacques Nolot, Slimane Dazi, etc. ont accepté de se laisser posséder par les esprits, les fantômes des films perdus, d’effrayants spectres qui les ont obligés à jouer des scénarios longtemps oubliés pendant que je m’activais autour d’eux avec ma caméra, pour garder une trace de leur performance sous transe. A un certain point, j’ai réalisé que j’étais le photographe d’esprits le plus fou de l’histoire du spiritisme. Un bonheur total !

Où avez-vous tourné en dehors du Centre Pompidou ?
Après nos trois semaines de tournage au Centre Pompidou, nous avons tourné trois semaines de plus au centre Phi de Montréal, un nouveau complexe absolument incroyable, le Hollywood de l’industrie cinématographique québécoise, un monde avec son propre star system, presque totalement inconnu des Canadiens anglophones. Moi-même, cela m’a ouvert les yeux de travailler là-bas et de découvrir que tant de choses fleurissaient dans mon propre pays sans que je le sache.  Ça a été une expérience fantastique !

Parlez-nous de l’esthétique (couleurs saturées, montage hypnotique, image altérée…) de La Chambre interdite. Le film semble palpable.
J’avais vu de nombreuses photos représentant des séances de spiritisme au fil des années. Sur ces photos, on pouvait souvent voir les sujets en transe avec du tissu ou du coton blancs sortant de leurs orifices. Je m’étais souvent demandé ce que cela donnerait en mouvement, mais nous ne l’avons jamais fait. Puis j’ai vu, projetées sur un mur, les images déformées de films dans les dernières années de leur vie : des émulsions séchées, craquelées, boursouflées et blanchies – tellement organiquement déformées et torturées qu’elles m’ont rappelé l’ectoplasme que l’on voit toujours sur les photos de spiritisme. Nous avons donc opté pour cette esthétique, cette texture extrêmement palpable, tangible et presque paranormale du film qui se décompose, du moins par endroits. Nous voulions aussi utiliser des palettes de couleurs représentant les éventuels changements physiques dus au temps, des teintes et nuances obscures inconnues dans l’histoire du cinéma (comme si elles existaient uniquement dans un au-delà cinématographique et révélaient l’intervention de fantômes travaillant dans le labo avant de nous renvoyer le film). Je suis particulièrement content des couleurs qu’Evan et notre chef décorateur Galen Johnson ont choisies pour ce projet. On trouve dans le film des teintes jamais vues, des couleurs faites d’éléments qui ne sont pas sur le tableau périodique. [EXTRAIT]